Intensité de la douleur /VS/ gravité

Le mal de dos est le 1er motif de consultation chez un ostéopathe. Il concerne les cervicalgies (mal au cou), les dorsalgies (mal au milieu du dos) et les lombalgies (douleurs du bas du dos). Ces dernières ont une prévalence élevée puisque, selon l’INSERM *, 2 salariés sur 3 ont eu, ont ou auront une lombalgie.

Toutefois, ces douleurs, aussi importantes soient-elles, ne représentent généralement pas un danger pour la santé**. Une personne peut ressentir une douleur aiguë, alors qu’elle n’a pas de blessure grave. De même, elle peut avoir une blessure grave, mais ressentir une douleur modérée voire faible. La douleur est un signal envoyé par le cerveau. Son intensité est influencée par de nombreux facteurs, tels que la sensibilité à la douleur ou bien l’activité du système de détection de la menace, qui prend en compte des informations thermiques (“je touche une surface brûlante”), mécaniques (“je me pince”), chimiques (”injection d’un venin”). Le cerveau prend également en compte d’autres paramètres comme l’expérience, les croyances, le contexte émotionnel, l’environnement, etc. Ce qui explique que l’on peut avoir mal sans lésion ou avoir une lésion sans avoir mal.

Imagerie et douleur

Importance du contexte

Dans la très grande majorité, les douleurs de dos n’ont pas de diagnostic basé sur des examens complémentaires. Pour autant, une imagerie ne montrant aucune anomalie de votre rachis ne veut pas dire que la douleur est imaginaire, ou que les tissus ne souffrent pas. En effet, celle-ci n’indique pas comment vous interprétez la douleur. Vos nocicepteurs (récepteurs de la menace) ou vos nerfs sont-ils particulièrement sensibles ? Votre système inhibiteur de la douleur fonctionne-t-il correctement ? Les examens complémentaires ne prennent pas non plus en compte le contexte d’apparition de la douleur : manque de sommeil, anxiété, période stressante, etc. (cf. le paragraphe « mécanisme » de mon article sur les douleurs chroniques).

Les douleurs de dos

Interprétation des résultats

Si les imageries sont utiles pour mettre en évidence une cause grave (fracture, tumeur, pathologie inflammatoire, etc.), elles peuvent aussi être anxiogènes pour certains. Des résultats montrant des structures lésées (tassement vertébral, signes d’arthrose, hernies discales, etc.) peuvent inquiéter certaines personnes qui pensent alors qu’il n’y a rien à faire et qu’ils auront mal au dos toute leur vie. Or, des structures “endommagées” ne sont pas prédictives de douleur. Par exemple, l’arthrose n’est pas forcément douloureuse. Des études ont en effet montré que l’on retrouvait des atteintes tissulaires chez des sujets asymptomatiques. Elles mettent également en avant la présence de signes de dégénérescence chez des sujets non symptomatiques dès l’âge de 20 ans :

  • https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25584950/ : selon cette étude, 73% des individus âgés de plus de 20 ans présentent des bombements discaux au niveau des cervicales.
  • https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25430861/ d’après celle-ci, 37% des individus âgés de 20 ans présentent des signes de dégénérescence discale. Ce taux monte à 96% pour les personnes âgées de 80 ans. Concernant la prévalence de la protrusion discale, elle passe de 29 % des personnes âgées de 20 ans à 43 % des personnes âgées de 80 ans.

On peut donc considérer que l’altération du disque intervertébral est normale, notre corps évolue, un peu comme l’apparition des rides et des cheveux blancs.

D’autre part, plusieurs études*** ont révélé qu’une hernie discale pouvait se résorber spontanément. On estime ce phénomène dans 62% à 83% des cas (sur une durée de 7 à 11 mois selon la taille de la hernie). Cela permet donc de relativiser lors de la découverte du compte rendu de l’IRM.

Ainsi, l’imagerie n’explique pas toujours les symptômes. Il est important de corréler les résultats avec l’examen clinique.

Intérêt de l'imagerie

Rappelons que l’imagerie lombaire de routine est associée à une exposition aux radiations (radiographie et scanner). Or, une méta analyse**** a mis en évidence que “l’imagerie immédiate et systématique de la colonne lombaire chez les patients atteints de lombalgie et sans caractéristiques indiquant une affection sous-jacente grave, n’a pas amélioré les résultats par rapport aux soins cliniques habituels sans imagerie immédiate”.
De plus, l’absence d’imagerie immédiate ne semble entraîner aucune augmentation des risques d’échec dans l’identification des affections sous-jacentes graves. 
Enfin, une autre étude***** conclue que l’amélioration des lombalgies n’est pas liée à l’amélioration de l’imagerie.

Par conséquent, il vaut mieux s’abstenir d’effectuer des examens lombaires immédiats chez les patients atteints de lombalgie non spécifique, aiguë ou subaiguë et sans indication d’affections graves sous-jacentes.

Conclusion

L’intensité de la douleur n’est pas proportionnelle à sa gravité.

La douleur est complexe, elle ne se résume pas à une atteinte tissulaire. Elle résulte d’une accumulation de facteurs négatifs : fatigue, stress, sédentarité, position prolongée, faux mouvement, traumatisme physique ou émotionnel, etc.

Les imageries médicales sont complémentaires à l’examen clinique et ne doivent pas être systématiques. Leur interprétation doit être expliquée au patient et il est nécessaire de lui préciser que les signes de dégénérescences détectés ne sont pas toujours prédictifs de douleur.

En l’absence de signes d’affections sous-jacentes, l’ostéopathe peut agir sur les douleurs de dos mécaniques. Ses gestes visent à améliorer les amplitudes articulaires, à détendre les muscles et à atténuer la sensation douloureuse.

* https://www.inrs.fr/risques/lombalgies/statistique.html

** Peter B O’SullivanJ P CaneiroKieran O’SullivanIvan LinSamantha BunzliKevin WernliMary O’Keeffe, « Back to basics : 10 facts every person should know about back pain », British Journal of Sports Medecine, June 2020 ; 54 (12) : 698-699.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31892534/

*** Ahmed Rizk ElkholyAshraf Mohamed FaridEbrahim Ahmed Shamhoot, « Spontaneous Resorption of Herniated Lumbar Disk: Observational Retrospective Study in 9 Patients », World Neurosurgery, January 2019 ; S1878-8750 (18) 32938-3.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30610984/

Ming ZhongJin-Tao LiuHong JiangWen MoPeng-Fei YuXiao-Chun LiRui Rui Xue, « Incidence of Spontaneous Resorption of Lumbar Disc Herniation : A Meta-Analysis », Pain Physician, January-February 2017 ; 20 (1) : E45-E52.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28072796/
Ahmad Jabir RahyussalimMuhammad Luqman Labib ZufarTri Kurniawati, « 
Significance of the Association between Disc Degeneration Changes on Imaging and Low Back Pain: A Review Article » , Asian Spine Journal, April 2020 ; 14 (2) : 245-257.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31679325/

**** J C Andersen, « Is immediate imaging important in managing low back pain? », Journal of Athletic Training, January-February 2011 ; 46 (1) : 99-102.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21214357/

*****  Juichi TonosuHiroyuki OkaAkiro HigashikawaHiroshi OkazakiSakae TanakaKo Matsudaira, « The associations between magnetic resonance imaging findings and low back pain : A 10-year longitudinal analysis », PLoS One, November 2017 ; 15 ; 12 (11) : e0188057.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29141001/

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